dimanche 20 mars 2011

Pourquoi l’habit doit faire le moine… ou la nonne…

On dit toujours que "l’habit ne fait pas le moine"… Alors pourquoi, au quotidien, croit-on, et même plus, avons-nous besoin de croire que l’habit fait le moine … ou la nonne… Ne soyons pas sexistes !
Parce que c’est exactement ce que nous faisons, tout le temps.
Mais avant de répondre à cette question, commençons par une petite explication de texte. Que signifie ce proverbe ?
Il signifie qu’il ne faut pas se fier aux apparences ! Que la façade n’est parfois qu’illusion, que le paraître n’est pas l’être, que le fond n’est pas la forme…

Je crois que tout le monde sera d’accord avec cette interprétation… d’un point de vue philosophique. Mais dans les faits ? C’est loin d’être aussi simple !

Nous n’avons pas toujours le temps, et le besoin de creuser. Dans la majorité des situations de la vie de tous les jours, par souci de gagner du temps et de l’énergie, on choisit de prendre des raccourcis et d’aboutir à des conclusions simples et logiques, en faisant confiance à nos perceptions et nos connaissances.

Si vous voyez un animal qui ressemble à un chat, bouge comme un chat, lape du lait comme un chat et miaule comme un chat… C’est un chat!  Inutile de faire un test génétique pour vérifier la nature de l’espèce animale à laquelle on a à faire… Heureusement !

La plupart du temps, la perception de la forme nous suffit pour nous convaincre du fond, même lorsque la situation qu’on doit analyser devient plus complexe comme c’est le cas lorsque nous évoluons entre individus de la même espèce, en l’occurrence, l’espèce humaine. Dans ce cas, nous allons devoir recueillir davantage d’informations à analyser comme la tenue vestimentaire, l’attitude, le comportement, le contexte environnemental. Et cela dans un temps très court. Bref, on va choisir de considérer que l’habit fait le moine et négliger la probabilité que nous pouvons avoir de nous tromper… Ce qui est pourtant un risque réel.

La question est de savoir pourquoi ?
Pour d’excellentes raisons. Certaines s’expliquant par des nécessités internes, et d’autres par des nécessités externes.

Les nécessités internes.
L’une des premières nécessités est celle de faire des économies d’énergie, c’est physiologique. Notre cerveau est d’ailleurs structurellement construit pour en faire. (Voir article: Comment fonctionne notre cerveau. Sur ce blog) Ce qui signifie que la plupart du temps, nous n’avons tout simplement pas le choix et allons au plus élémentaire parce que notre cerveau est conditionné pour faire au plus simple. La deuxième nécessité est plus psychologique. Prendre des raccourcis à l’avantage de limiter la potentialité de ressentir de la souffrance !

Cette affirmation mérite une petite explication, n’est-ce pas ?
Rappelons que notre psyché est le fruit d’interactions entre une multitude de paramètres venant d’un côté de nos gènes (patrimoine génétique) ce qui est inné et de l’autre de notre environnement (éducation, liens affectifs, culture…) ce qui est acquis. Et que, compte tenu du nombre importants de paramètres biologiques et environnementaux, et donc de combinaisons possibles, il est impossible d’obtenir deux individus, deux identités biologiques et psychiques identiques. Ce qui explique que chacun d’entre nous est unique, que notre psyché est donc une individualité.
Ce point est important parce qu’il est à l’origine d’un mécanisme de survie incitant chacun d’entre nous à considérer que l’habit doit faire le moine !

Chaque psyché étant unique, elle va considérer toutes les autres psychés comme différentes. La différence génère de l’incompréhension, de la frustration puis de la colère… Et donc de la souffrance. (Voir article Comment élever son seuil de tolérance face à la méchanceté . Sur ce blog). Notre psyché va donc estimer que toute autre psyché est potentiellement dangereuse. Sartre illustre très bien, dans sa pièce de théâtre Huis clos, la difficulté et la souffrance engendrées par l’obligation de cohabiter avec des personnes très différentes de soi.
Or, on ne peut indéfiniment éviter les AUTRES. Nous sommes des êtres sociaux, du moins pour la majorité d’entre nous, poussés en cela par notre besoin génétique de pérenniser l’espèce (navrée de paraître si peu romantique, mais c’est un fait), de nous protéger et de nous nourrir (fondamentaux qui perdurent dans le temps depuis l’origine de l’homme et continuent de conditionner notre comportement actuel).

Alors poussez par les besoins contraires mais fondamentaux de vivre ensemble tout en redoutant de souffrir de cette cohabitation, notre psyché, n’étant pas masochiste, tout de même, va utiliser un procédé simple limitant les souffrances éventuelles. Puisque la différence génère de la souffrance, l’idée est d’essayer de repérer et de s’entourer d’autres psychés les plus ressemblantes possibles, et donc le moins potentiellement dangereuses. Ne dit-on pas à juste titre que "qui se ressemblent s’assemblent "?

Pour cela, notre psyché va utiliser tous les codes possibles mis à sa disposition pour trier les autres psychés en deux catégories: les suffisamment ressemblantes pour être approchées et les trop différentes, potentiellement dangereuses, qu’il faut maintenir à distance.

Et c’est là que notre ami le moine entre en jeu… La tenue vestimentaire, l’attitude et les comportements sont autant de codes de décryptage rapide. Le moyen, par l’apparence, de faire un tri simple et rapide des psychés qui nous entourent.
Avez-vous remarquez que vous êtes naturellement attirés par des personnes qui vont utiliser les mêmes codes vestimentaires, les mêmes attitudes et les mêmes comportements que vous… Et éviter toutes les personnes manifestants des manières, des attitudes, très différentes de vous…
Cela étant, nous sommes tous conscients que ce mode de décryptage est arbitraire et artificiel. Il ne permet pas de dire si, effectivement, les gens qui vous ressemblent extérieurement, vous ressemblent vraiment et partage vos convictions personnelles… Mais il faut bien commencer quelque part, n’est-ce pas ? Aussi injuste que soit le procédé !
Ce n’est pas pour rien que des émissions de relooking comme Nouveau look pour une nouvelle vie diffusée sur M6 fonctionnent bien. Si on maîtrise suffisamment les codes qui régissent les apparences, on peut les utiliser à notre avantage pour manipuler la perception des gens. Dans le milieu professionnel, c’est d’autant plus flagrant. L’habit fait vraiment le moine. C’est la raison pour laquelle il est si important de comprendre et utiliser les codes vestimentaires, les postures. Ce qu’on nomme le langage non verbal, la synergologie. (Voir article la psychopathologie quotidienne... Sur de blog).
Les nécessités externes.
Cette explication nous amène tout naturellement à la nécessité externe de considérer que l’habit doit faire le moine.
Il faut comprendre que l’être humain est une espèce sociable qui a besoin de vivre en société, en bonne intelligence, voire en bonne harmonie. Pour cela, l’espèce a développé tout un ensemble de codes, partagés par l’ensemble des sociétés. On les appelle: code pénal, code civil, code de la route… pour les officiels. Puis viennent des codes plus spécifiques, appelés règlements, réservés à des groupes plus limités de personnes qui vont partager une activité professionnelle, associative, éducative, commune. Puis viennent d’autres codes, tacites, partagés par tous mais inscrits nulle part. Ce sont les conventions. On y trouve la politesse, la bienséance et tout une variété de codes spécifiques réservés à des domaines considérés comme privés : Le respect des rituels religieux, le respect intergénérationnel, la galanterie… Et les codes vestimentaires, liés au statut social ou à l’activité professionnelle ! Le costume ou le tailleur pour l’homme ou la femme d’affaire, le tablier blanc pour le boucher, le treillis pour le militaire, la soutane pour le religieux…
Il se trouve que tous ces codes se combinent en permanence les uns aux autres pour activer ce qu’on appelle des schémas comportementaux.

Ces schémas sont de petits scénarios. Ce sont des schémas comportementaux préexistants, assimilés au fil du temps, de l’expérience et de l’éducation, qui définissent un ensemble d’attitudes et comportements spécifiques qui vont se déclencher en réponse à l’analyse de la situation et de la personne rencontrée.
Par exemple, si vous allez acheter du pain. Le schéma préexistant qui ne va pas vous donner le moindre effort d’analyse complexe est le suivant. Vous entrez. Dites bonjour. Passez commande. Remerciez quand on vous a servi. Payer. Saluez d’un au revoir en partant. Aussi simple soit-il, il y a bien un scénario que vous allez suivre point par point dans un ordre bien logique. Vous n’allez pas entrer, dire au revoir, payer, remercier, commander puis dire bonjour… Ou alors vous avez un grave problème !
Maintenant, sachez que nous passons la majorité de notre temps à suivre des scénarios préexistants, activés par une analyse partielle de notre environnement et de nos rencontres. Ça fait très robotique, n’est-ce pas ? En même temps, je vous rappelle que nous sommes extrêmement paresseux ! Nous aimons faire des économies d’énergie physiologiques et psychiques.

Laurent Gounelle, dans ses livres, "l’homme qui voulait être heureux" et "Dieu voyage toujours incognito", illustre très bien ce type de schéma en demandant à ses personnages d’endosser des rôles, des attitudes et comportements spécifiques pour comprendre en quoi il est important de maîtriser son schéma comportemental et quels en sont les répercutions sur sa propre psyché. Ainsi, l’un des personnages à la consigne de se comporter comme un homme ayant les moyens de s’acheter une montre de luxe dans une bijouterie haut de gamme. Son attitude est d’abord hésitante, il semble peu sûr de lui. En retour la vendeuse le regarde avec scepticisme voire avec suspicion et fait comprendre qu’elle doute vraiment de ses capacités à acheter… Ce en quoi elle n’a pas tort, il n’a pas les moyens! Sauf que, elle n’est pas censé le savoir! Et, s’en rendant compte, piqué au vif, le personnage décide d’entrer dans le rôle et change d’attitude. Il devient plus assuré, presque méprisant. La vendeuse adapte aussitôt ses réactions et devient plus respectueuse.

Avoir conscience de ces codes et schémas comportementaux, les utiliser en sachant quels types de réponses comportementales ils vont activer donne l’avantage de contrôler son image et le message qu’on veut passer.

Autre nécessité, économique encore une fois, mais pour l’ensemble de la société et pas juste à titre personnel. L’activation de scénarios, de schémas comportementaux, étant assimilés comme des réflexes, c'est-à-dire qu’ils ne demandent pas de réflexions conscientes, permet de libérer note registre intellectuel pour d’autres choses, et ce qui est loin d’être négligeable, et permet une fluidité dans les relations sociales. La réflexion demande du temps. Imaginez que chacun d’entre nous prenait le temps de réfléchir, à chaque fois qu’il entre en contact avec d’autres personnes, sur ce qu’il doit dire, faire. Ça risque ni plus ni moins de paralyser le fonctionnement social et d’activer beaucoup de frustration, de colère et de violence et donc de souffrances  psychiques. Ça fait réfléchir, non ? (Et à cet instant, on peut se le permettre !)

Vous comprenez maintenant pourquoi l’habit doit faire le moine… ou la nonne… Quoiqu’on en dise !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire